Le 18 novembre dernier, Vienne a accueilli de nouvelles négociations sur le nucléaire iranien. Les États-Unis,
la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et bien sûr
l’Iran ont disposé d’une semaine, montre en main, pour parvenir à un
consensus.
Une fois de plus, ce fut un rendez-vous manqué. Le 24 novembre 2014
ne sera pas la date historique d’un accord nucléaire entre les
puissances occidentales et l’Iran. Un accord qui devait clore un an de
négociations et de compromis. Mais, alors que la volonté d’aboutir était
commune aux États-Unis et à l’Iran, le rendez-vous a été repoussé au 25
juin 2015. Les pourparlers continuent donc car, comme l’a affirmé le
secrétaire d’État américain John Kerry, il serait stupide d’abandonner.
Un énième échec qui rappelle toute la complexité du dossier nucléaire
iranien tant par le nombre d’acteurs que par les enjeux stratégiques.
Du soutien à la méfiance
Au milieu du siècle dernier, lorsque l’Iran lance son programme
nucléaire, les États-Unis le soutiennent. La révolution de 1979 et les
prises d’otage d’américains changent la donne. Depuis, le but de
Washington est clair : empêcher coûte que coûte l’Iran de se doter de
l’arme atomique et donc l’expansion des centrifugeuses qui permettent
d’enrichir l’uranium. En 2003, l’Iran détenait 160 centrifugeuses.
Aujourd’hui, on en compte 20 000, dont 9000 actives. Rappelons que pour
la fabrication d’une bombe atomique, de l’uranium enrichi à 90% est
nécessaire. Un seuil qui est facilement atteignable lorsque l’uranium
est déjà enrichi à 20%. C’est pourquoi, l’Occident souhaite plafonner
l’enrichissement de l’uranium iranien à 5% et réduire le stock de
celui-ci, puisqu’on peut également produire une bombe nucléaire avec une
tonne d’uranium légèrement enrichi. La méfiance à l’égard du programme
nucléaire iranien s’est aggravée lorsqu’en 2002, la communauté
internationale a découvert un site d’enrichissement dissimulé à Natanz
et que, l’année suivante, un projet de réacteur à eau lourde, à Arak, a
été dévoilé.
L’échec de la médiation européenne
Mais, en octobre 2003, alors que les États Unis ont fraîchement
envahi l’Irak en raison de cette même paranoïa nucléaire, Dominique de
Villepin, ministre français des Affaires étrangères de l’époque, propose
d’aider l’Iran à se doter d’un parc nucléaire civil. Deux ans après,
l’engagement n’est pas tenu : les Européens rebroussent chemin de peur
de se confronter à Washington. Téhéran relance alors son programme
nucléaire, l’abandon international radicalisant l’opinion publique
iranienne. En 2005, Mahmoud Ahmadinejad, nationaliste, est élu
président. L’année d’après, la première des six sanctions économiques
prévues par le Conseil de Sécurité contre l’Iran tombe. Le cercle
vicieux, entre augmentation du nombre des centrifugeuses iraniennes et
sanctions onusiennes, peut alors s’installer pendant près de dix ans. Il
faudra attendre l’élection de Barack Obama pour que le processus
diplomatique soit relancé. En juin 2009, il écrit au Guide suprême Ali
Khamenei et propose de livrer de l’uranium enrichi à 20% au Centre de
recherche médicale de Téhéran. En échange, l’Iran doit remettre son
stock d’une tonne d’uranium enrichi à 5%. La proposition est rejetée.
Même conclusion pour celle de 2010, lorsque la Turquie souhaite se
porter garante du stock d’uranium iranien.
Le renouveau du dialogue diplomatique
C’est en 2013, que l’espoir d’un accord renaît : Hassan Rohani,
modéré, est élu président en Iran. Ce dernier a besoin de cet accord
pour asseoir son autorité et sa légitimité. Du côté iranien comme
américain, la marche vers un consensus est réaffirmée. D’autant que John
Kerry et Mohammad Jawad Zarif, respectivement secrétaire d’État et
ministre iranien des Affaires étrangères, entretiennent des relations
diplomatiques prometteuses. Mais les différends ne s’effacent pas pour
autant. Ali Kamenei, Guide suprême, annonce en juillet 2014 que l’Iran a
besoin de 190 000 centrifugeuses, contre l’avis des Occidentaux qui
veulent les réduire à quelques milliers, voire quelques centaines. Ce
mois de novembre a donc été celui des propositions officielles et
secrètes. Le New York Times affirme que l’Iran aurait accepté d’envoyer
en Russie une partie de son stock d’uranium déjà enrichi qui sera
transformé en barre de combustible réutilisable par la centrale de
Bouchehr, l’unique centrale nucléaire civile du pays. Cet accord marque
davantage l’affirmation stratégique de la Russie dans les négociations –
puisqu’elle imposerait à l’Iran de n’utiliser que des combustibles
russes notamment pour les réacteurs qu’elle a livré le 11 novembre –
qu’une solution définitive. En contrepartie, l’Occident accepterait que
l’Iran détienne un plus grand nombre de centrifugeuses.
Dans tous les cas, la décision finale est repoussée de six mois. Le
risque est que ce report accélère la prolifération nucléaire, notamment
du côté de l’Arabie saoudite. L’échec des négociations renforce
également la crédibilité des adversaires, dans le camp américain comme
dans le camp iranien. Il faut souligner que dès janvier 2015, le Congrès
américain sera sous contrôle républicain, et pourra donc freiner tout
processus de négociation. Par ailleurs, l’Iran a besoin d’un
assouplissement des sanctions économiques, qui lui coûteraient près de
500 milliards de dollars par an. C’est donc une stratégie de
donnant-donnant qu’a choisi l’Occident : moins d’uranium enrichi en Iran
entraînera moins de sanctions économiques et un compromis arrangeant du
nombre de centrifugeuses. Aujourd’hui, face à la menace que représente
Daech, cette coopération est nécessaire pour rééquilibrer le
Moyen-Orient, et ce malgré les réticences de l’Arabie Saoudite à nourrir
la puissance diplomatique iranienne et les peurs exagérées d’Israël de
devenir la victime de l’expansion nucléaire iranienne.
Diallo Mamadou 3
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