Un défi pour la justice guinéenne
Après l’indignation et l’émotion autour
de la bousculade meurtrière du drame de la plage de Rogbane, le 29 juillet
2014, l’heure est à l’établissement des responsabilités. Un travail confié à la
justice guinéenne par le biais du procureur de la République, près le Tribunal
de première instance (TPI) de Dixinn. Pour l’heure, quelques acteurs en rapport
avec le malheureux événement sont mis aux arrêts et inculpés. Mais de la part
de la justice, en phase de réforme, dit-on, on attend mieux. On attend en
particulier qu’elle aille au-delà des bouc-émissaires.
Dans la mort des 34 jeunes de la
plage de Rogbanè, le travail de la justice est d’autant plus important que sa
défaillance en soit une des causes principales. En effet, le 1er
janvier 2014, c’est un accident du même genre qui, à la plage de Lambanyi,
avait entrainé la mort de 19 personnes. Jusqu’au drame du 29 juillet dernier,
aucun des éventuels responsables de la précédente tragédie n’avait été
inquiété. Même la publication du rapport d’enquête est postérieure aux
événements de Rogbanè. Pour beaucoup d’observateurs, si ce qui s’était passé
sur la plage de Lambanyi avait suscité un peu plus d’intérêt de la part de la
justice guinéenne, les sanctions qui en auraient résulté auraient servi de
leçon pour prévenir la mort de la trentaine de participants au concert du 29
juillet.
Eh bien, les autorités judiciaires ont
l’occasion de se racheter. Mais elles doivent se montrer à la hauteur de la
tâche qui, doit-on l’avouer, n’est pas des plus aisées à accomplir. En effet,
d’ores et déjà, de grandes responsabilités sont indexées. Au-delà de Malick
Kébé de l’Agence guinéenne des spectacles (AGS), d’Ablaye Mbaye de la structure
Mœurs libre prod. (MLP) et du chef de quartier de Taouyah. Si on s’en tient à
ces trois individus, on aura rien fait. Car, comme dans le fameux dossier des
13 milliards, on se serait limité aux maillons faibles. Or, par rapport à la
tragédie de Rogbanè, les responsabilités de l’Etat sont à chercher jusqu’au
plus haut sommet possible.
On a notamment les ministères de la
sécurité, de la culture et du tourisme. Ces trois départements ministériels, au
regard de leurs prérogatives respectives, ont des liens avec ce qui s’est
passé. Naturellement, dès le lendemain du drame, chacun des hauts-placés s’est
abrité derrière le fait qu’il ne savait pas que le concert devait s’y tenir. Un
argument plutôt faible. Dans la mesure où les organisateurs ont suffisamment
communiqué (spots publicitaires médiatiques, banderoles et affiches sur les
principaux points d’attraction de la capitale guinéenne) sur leur événement.
Le laxisme et la défaillance de l’Etat
semblent cependant incarnés par le gouvernorat de Conakry et la délégation
spéciale de la commune de Ratoma. Très gêné et ne sachant quoi dire, le
gouverneur Soriba Sorel Camara, lui aussi, a mis en avant le fait qu’il ne
savait pas. Que le chef de quartier de Taouyah, en retenant l’information à son
seul niveau, était le seul responsable. Or, selon nos informations, il n’en est
rien. S’il semble vrai que le chef de quartier n’a pas particulièrement
communiqué sur le concert en perspective, par contre, le gouvernorat aurait été
formellement informé par deux courriers émanant tout à la fois de l’Agence
guinéenne de spectacles (AGS) et des organisateurs. Par ailleurs, le
gouvernorat et la mairie se doivent de s’expliquer sur la levée de la mesure
d’interdiction des plages, prise par le précédent gouverneur après ce qui
s’était déjà passé à Lambanyi. En effet, à chacun de ces deux niveaux, on dit
ne pas savoir ni par qui, ni quand cette autorisation a été levée. Pour le président
de la délégation spéciale de Ratoma en particulier, c’est d’autant plus grave
que lui-même a pris part à une manifestation organisée sur la même plage, avec
la participation de certains ministres de la République. Beaucoup l’on vu dans
le reportage qui en avait été fait par nos confrères de la RTG.
Aussi, c’est cet amas de petits
mensonges et d’attitudes démissionnaires que la justice guinéenne a mission de
décortiquer pour en sortir la vérité. Vérité qui devra ensuite déboucher à des
sanctions pour que tout le monde s’en serve comme slogan « Cela ne se
répètera plus ».
Boubacar
Sidiki Haidara
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